vendredi 27 avril 2012

Morgen, on rase gratis!




Au siècle passé, De Morgen était un journal progressiste. Comme la vieille presse officielle, il est devenu la vitrine des politiques et des intérêts économiques particuliers. Sans doute de manière moins outrancière que la RTBF/VRT ou que Le Soir, il a dénigré les mouvements sociaux et les grèves dénonçant les dérives politiques et financières qui, lentement mais sûrement nous conduisent la gueule dans le mur.

Yves Desmet, journaliste, éditorialiste et ex-directeur du Morgen, n'est pas en reste. Que voulez-vous, il faut vivre, et parfois pour vivre, il faut être peu regardant sur ce que l'on dit ou détourner le regard sur ce qui se passe.

Yves Desmet donc écrit aussi pour Le Vif. Cette semaine, il règle son compte à Philippe Moureaux. Et c'est drôle. Mais drôle. Morceaux choisis : 

1. Chez nous aussi, il fut de bon ton de faire silence sur le fondamentalisme islamiste et sur la criminalité ou l'insécurité, de crainte d'être pris pour un partisan du Vlaams Belang. Fort heureusement, nous avons dépassé le stade du « politiquement correct ». Cela a contribué, entre autres raisons, à la réduction du poids du Belang.

Comprenez : avant nous étions naïfs, nous ne le sommes plus, nous osons enfin dire tout haut ce que disait le Vlaams Belang, qui du coup n'a plus rien à dire et perd de son influence... N'empêche que, une connerie, peut importe qui la dit, reste une connerie. Et puis, oui, les digues sont désormais ouvertes.

2. La population bruxelloise, par exemple, a crû de 150 000 personnes depuis 2003. Parmi elles, il y a 90 % d'habitants d'origine musulmane allochtone peu ou pas instruits, et 60 à 70 % d'hommes au chômage.

Depuis 2003, 135.000 musulmans peu ou pas instruits de plus sont à Bruxelles, dont 70% de chômeurs; oui, je sais, il parle d'hommes... mais j'imagine que c'est pour insister sur la menace... car franchement, vous croyez que Yves Desmet sous-entend que quelque 70.000 femmes musulmanes auraient trouvé du travail depuis 2003?

3. Au sein de cette population croissante, le manque d'accès à l'instruction, au logement et au marché du travail nourrit les frustrations. L'extrémisme et la criminalité en sont les conséquences naturelles.

Comprenez :  extrémisme et criminalité (des allochtones et musulmans) sont la conséquence du profil sociologique de ces personnes... et depuis 2003, il y entre 70% et 90% d'extrémistes et de criminels potentiels de plus. 

Le papier est court, et je n'indique là qu'une partie de la réflexion desmetienne.

Mais il y a plus drôle... si si...

4. Bruxelles est un vase clos institutionnel, elle est la seule grande ville au monde qui ne puisse s'étendre. Il en découle des tensions sociologiques qu'il est difficile de comprendre en province.

Je crois que Yves Desmet est flamand, de Flandre... Flandre qui refuse, crocs et griffes, l'extension de Bruxelles.  Bruxelles est ainsi rendue responsable de tensions sociologiques, dues à une population potentiellement criminogène, difficilement compréhensible en province... il semble pourtant avoir compris lui le pourquoi de ces tensions : extrémisme et criminalité dues à des allochtones mal déturbanés. Faut te relire hein coco...

Et il vrai que face à cette explosion démographique qu'on nous prédit, la décision des crèches et des écoles flamandes de Bruxelles de ne plus accueillir trop de francophones est d'une intelligence rare. Sans compter que :

5.  C'est une illusion de croire qu'on puisse venir à bout des difficultés à Bruxelles en perpétuant 19 petites baronnies, dont les maïeurs se soucient davantage de leur réélection que de la recherche de solutions durables pour le bien des communautés qu'ils sont censés administrer. 

Et oui, tout ça pour ça... On en revient ainsi bêtement à cette vieille rengaine flamingante de Bruxelles mal gérée, de Bruxelles mal gouvernée, de Bruxelles volée aux Flamands. Je ne sais pas si :

Car Bruxelles mérite mieux que des édiles qui se mettent la tête dans le sable, comme des autruches. 

... mais tu sais quoi Yves, ta tête, je me ferai un plaisir de te l'enfouir dans le sable de Vlaams Kust.





vendredi 13 avril 2012

C'est la même chanson, mais la différence...




Qui a dit "Comment, en effet, ne pas s'inquiéter et s'indigner de la dégradation de notre ville et surtout de ses vieux quartiers, des menaces d'une immigration incontrôlée et l'intolérance de certains milieux religieux musulmans, du démantèlement de nos transports en commun ou des carences graves qui frappent notre ville en matière de sécurité ou de propreté publique"?  Oui, d'accord, je sais que vous n'attendrez pas de trouver la réponse (je vous imagine mal ne lisant pas la suite en cherchant désespérément...), ... C'est donc bien Charles Picqué qui, candidat au mayorat de Saint-Gilles, commune dont il est toujours Bourgmestre,  dans son tract électoral prétendait 'dire tout haut ce que pensent beaucoup de Bruxellois'.

Pourquoi, je vous ramène à la préhistoire de la Région bruxelloise, Région dont Charles Picqué est toujours Ministre-Président, que vous allez me dire? C'est parce que mercredi soir, il m'est venu l'idée de regarder 'Questions à la Une', où l'un des deux reportages étaient consacrés à la question de savoir 'Faut-il avoir peur de l'islam?'  La réponse est dans le titre de la séquence, c'est oh que oui! Je ne m'étendrai pas sur le contenu de l'émission, sauf à dire que Frédéric Deborsu a choisi un angle partiel, partial et malhonnête dans sa manière de traiter du sujet. Je laisse à Malika Madi le soin de dire comment on construit une position idéologique lointaine de la vérité journalistique, quand on veut faire de l'audience et que l'on estime que tous les bons coups sont permis., elle qui a été le dindon de la farce. Mais je m'éloigne... un peu...

Charles Picqué et les élections de 1988, donc. Ce qu'il racontait à l'époque n'est pas très éloigné de ce que raconte ce reportage 25 ans plus tard.  Son propos n'est pas très éloigné de se que racontent aujourd'hui les Alain Destexhe, Denis Ducarme ou Claude Demelenne. Le reportage s'attarde longuement sur les relais 'ethniques' de certains candidats et la récupération politique qu'en espèrent les partis qui se présentent aux élections.  Pas bien nous dit-on.  Pas bien... Fort bien... mais que font donc les Alain Destexhe, Denis Ducarme... ou Charles Picqué, il y a 25 ans, si ce n'est s'adresser à 'leurs électeurs' pour leur adresser un message 'ethnique' qui dit, en substance, de se méfier des immigrés, des musulmans, de ces autres dangereux, car il en va de leur sécurité? Ils ne font rien d'autre que de se positionner électoralement en s'adressant à ceux qui pourraient leur apporter leur voix, leur communauté d'électeurs, en quelque sorte. Le filon, loin de se tarir, semble, jusque là, inépuisable.

Il y a 25 ans Charles Picqué comptaient sans doute sur des électeurs xénophobes ou, à tout le moins, en phase avec ce type de discours stigmatisant pour être élu. Je ne sais pas s'il a changé d'avis concernant les immigrés et les musulmans; à vrai dire, cela m'est égal; mais je sais qu'il ne produirait plus un tel tract aujourd'hui, car une bonne part de son électorat est (d'origine) immigré ou musulman.  Les Destexhe ou Ducarme tapent sur ce clou là; je ne sais pas s'ils sont convaincus de ce qu'ils disent, et à vrai dire, je m'en moque; mais ils le disent car leur électorat n'est ni (d'origine) immigré ou musulman.

Oui, je sais, je me suis un peu mélangé les idées... mais c'est que voyez-vous, comme le chante Helmut Fritz, ça m'énerve!



dimanche 8 avril 2012

Je suis un Zéro pointé...



Vous savez bien, la paille et la poutre... parfois, la poutre, elle vous revient dans l'autre oeil.  Cet espace, je l'ai imaginé comme un espace où montrer, ou du moins essayer, la bêtise et les incohérences des médias et des politiques sur des questions liées à l'immigration. Bêtise... en tout cas incohérence, c'est ce que je ressens  concernant la grève de la faim de 23 sans-papiers qui se trouvent à la VUB. Je travaille dans une de ces associations silencieuses, qui ne disent rien sur ce qu'il se passe à la VUB. Et cela me met mal à l'aise. Alors, je ne vais pas la ramener. Je vais laisser cet espace à quelqu'une qui s'y est intéressé et qui a quelque chose d'utile à dire.

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Le mardi 3 avril, Mohammed et Oumar m’ont confirmé que les 23 personnes en grève de la faim, qui avaient accepté dimanche ma proposition de me joindre à eux, ont changé d’avis.
Ils ne m’ont pas donné de longues explications.
Ils pensent que c’est peut-être dangereux, que cela pourrait bloquer encore plus la situation.
Ils pensent aussi que c’est un « sacrifice », que c’est trop dur et ça ils ne le veulent pas.

Jamal aussi, que vois régulièrement, et Abdelmalek, qui loge depuis dix jours avec lui dans une minuscule chambre au deuxième étage du bâtiment que la VUB a mis leur disposition, m’ont dit aussi qu’ils ne veulent pas que je me joigne à eux.

Jamal a 20 ans, il est le plus jeune des 23 grévistes. Il a eu 20 ans le premier jour de la grève de la faim, le 14 janvier 2012.
Hier, vendredi 6 avril 2012, après 84 jours de grève, il est très faible, il a mal à la tête, au ventre, au dos. Il est aussi stressé et anxieux. Il me dit « je deviens fou » et un peu plus tard « je meurs lentement ».

Tous les grévistes ont mal, certains sont malades, ils sont tous affaiblis et restent couchés la plupart du temps, sauf Oumar et Mohammed, qui continuent à manger un peu (toujours en dehors du bâtiment où ils logent) pour assurer le contact avec le comité de soutien, et pour représenter les grévistes dans les manifestations et les délégations.

J’ai pourtant lu hier, vendredi, dans la version néerlandophone de Metro, le journal gratuit, que l’état de santé des grévistes est stable, qu’ils ne sont pas en danger de mort, qu’il n’existe pas de risque aigu.
Deux médecins de l’Office des Etrangers sont venus mardi 3 avril, et jeudi 5 avril, pour contrôler la situation. J’étais présente. D’autres, envoyés par Monsieur Paul De Knop, le recteur de la VUB sont venus aussi. Je ne les ai pas rencontrés. C’est leur « diagnostic » que le journal Metro répercute.

Je ne suis pas médecin, je ne me prononcerai donc pas à ce sujet. Mais depuis un mois, je vais régulièrement leur rendre visite et je peux témoigner que je les vois dépérir, devenir physiquement de plus en plus faibles, malades, et fatigués. Psychologiquement aussi, ils souffrent. Ils deviennent de plus en plus stressés, anxieux, profondément malheureux.

Cela n’enlève rien à leur détermination, je peux en témoigner aussi.
Ils ne veulent plus vivre sans droits, exploités dans le travail, dormant à la rue ou dans des squats, ou encore sous la coupe des marchands de sommeil. Ils ne veulent pas dépendre d’aide sociale, de Fedasil ou d’autres structures. Ils ne veulent plus avoir peur d’être dans l’espace public.
Ils veulent une vie normale. Ils continuent à demander le droit de vivre normalement, de travailler (un permis de séjour d’un an et un permis de travail).
Mohammed me dit souvent « nous ne demandons pas le paradis ni le diamant de l’Afrique du Sud… »

Je ne les connais pas tous.
Je croise souvent Moncef, qui comme Mohammed est plus âgé que la majorité d’entre eux, je crois qu’il a un peu plus de 55 ans. Il loge dans le couloir du deuxième étage et il apprécie qu’on lui apporte des journaux.
Je croise aussi Sayidou, Iriyasa et Abou. Tous les trois sont d’origine africaine. Ils partagent une chambre au rez-de-chaussée, à côté de la petite pièce qui sert de pièce d’accueil.

Sur les murs de celle-ci s’accumulent des extraits d’articles de journaux. Ils parlent de leur situation, de la grève de la faim, et de la situation générale des sans papier et de la migration en Belgique.
Il y a aussi quelques photos de certains d’entre eux… mais ils ont changé aujourd’hui.

La plupart des articles proviennent de la presse néerlandophone. Je ne comprends pas le silence de la presse francophone.
Je me pose beaucoup de questions.
Dont celle-ci : Qu’est-ce-qui est le pire, le silence de la presse francophone ou ce que je lis dans la presse néerlandophone, dans la majorité des cas, des approximations, des mensonges, des manipulations aussi, ou encore les avis d’experts, de politiciens ou de moralistes qui disent s’en tenir à la loi, et pour certains qui accusent les personnes en grève de la faim de « chantage » ou les soupçonnent de « jouer la comédie » ?

Une autre question m’est venue à l’esprit.
Que signifie « s’en tenir à la loi » ? La loi est-elle absolue, inébranlable ?
Dans notre pays, comme dans d’autres pays, on a pourtant aboli la peine de mort.
La loi peut, et doit sans aucun doute, rester « vivante »… adaptable, modulable.
Des « exceptions à la loi » sont-elles permises ?
Certainement. On en a vu dans plusieurs domaines.
Mais dans ce cas précis, par l’intermédiaire de Monsieur Roosemont, Directeur de l’Office des Etrangers, la Secrétaire d’Etat dit qu’il est hors de question de l’envisager ou même d’en parler.

J’ai rencontré aussi beaucoup de personnes qui soutiennent les grévistes d’une manière ou d’une autre.
Entre autres, Rita Van Obberghen, le médecin qui les suit depuis le début, et aussi beaucoup de jeunes hommes et femmes, néerlandophones et francophones, étudiants à la VUB, à l’ULB, ou dans d’autres universités ou écoles, Amandine, Alexandra, Neal, Lucia, Karen, Sophie, Kevin… et j’en passe.
Je les admire vraiment de donner, autant qu’ils le peuvent,  de leur temps, de leur énergie, de leur intelligence et de leur amitié.
Tous respectent la décision des 23 grévistes même s’ils souhaitent qu’ils arrêtent la grève de la faim et retrouvent la santé.

Et puis vient encore une autre question :
Où sont des organisations comme « La Ligue des Droits de l’Homme », « Amnesty Belgique » ou encore le « Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme » ?
Où sont les organisations syndicales ? Où sont les organisations religieuses, de toutes confessions ?
Si elles ont une opinion, pourquoi ne l’entend-on pas ?
Ne veulent-elles pas la faire entendre ?
Et si elles n’en ont pas, ne veulent pas en avoir, pourquoi ?

Comprenez-moi bien, je ne les accuse pas, et je trouve que leur travail ici en Belgique, comme à l’étranger, et bien sûr aussi hors des frontières de l’Europe forteresse qui a été construite et qui se consolide tous les jours, est très important.
Mais je trouve indigne que dans ce cas précis,  en ce qui concerne la problématique de l’asile et de la migration, par leur absence, leur silence, elles prennent de fait le point de vue du pouvoir.
Et dans le cas des 23 personnes en grève de la faim, à mes yeux, leur absence et leur silence a permis que la situation dégénère et soit devenue un véritable scandale.

J’ai honte.
Je sais que je n’ « y suis pour rien », que je veux de toutes mes forces un monde meilleur, que j’agis... Mais, comme d’autres je crois, aujourd’hui j’en suis arrivée à ressentir de la honte.

Pourtant, par dessus tout, je suis indignée. C’est plus fort que la honte et que la tristesse.

J’interpelle tous les indignés.
J’interpelle chacun qui accepte de se laisser interpeller.

Je vous le demande, faîtes tout ce que vous pouvez faire.
Ne laissez pas vivre dans l’indignité ou mourir dans l’indifférence des êtres humains qui sont à vos portes, sous vos yeux. Ne détournez pas le regard. Arrêtez vous quelques instants dans vos activité quotidiennes.

Comme vous, comme moi, ces personnes méritent la compréhension, le respect, la douceur, la compassion et la justice.

Laurette Vankeerberghen  (samedi 7 avril 2012)


 55 rue Saint-Ghislain  1000 Bruxelles